"I do Lou Reed better than anybody"

« I know so now everybody’s gonna say Lou Reed’s mellow, he’s old now… He didn’t act mean, he talks, oh boy… We’ll mug you later, you feel better ? »
« Je sais ce que tout le monde va dire, Lou Reed se ramollit, il est vieux maintenant… Il n’est plus méchant, maintenant il ne fait que jacter… On vous tabassera à la sortie, vous êtes content ? »

Je ne connais aucun album qui ressemble de près ou de loin à Take No Prisoners, sorti en novembre 1978. Ce live, enregistré à New York, au Bottom Line, met en scène un Lou Reed gouailleur à la répartie cinglante, un perdant magnifique qui se croit invincible et s’affranchit de tous les interdits, capable des pires bassesses mais aussi de splendides fulgurances. Pendant qu’un solide groupe joue ses morceaux les plus célèbres, Lou Reed, trop cool pour les chanter, se lance dans un dialogue interminable avec un public hyperactif et acquis à sa cause. Enfin pas entièrement, puisqu’il repère dans la foule le journaliste qui voulait lui casser la gueule à la sortie de Berlin, Robert Christgau. Avec la jubilation évidente du vicelard qui tient enfin sa revanche, Lou Reed le couvre de mots doux que n’aurait pas renié Joe Pesci dans un film de Scorsese. Il en profite pour asséner quelques vérités inhérentes à son corps de métier. En particulier cette absurde nécessité de devoir plaire aux critiques, ces trous du cul vaniteux et ignorants qui squattent gratuitement les premiers rangs de ses concerts. Non seulement il doit lire leur logorrhées fielleuses à chaque sortie d’album, mais en plus il doit se coltiner leur sale tronche dépitée quand il vient les défendre sur scène. Qu’ils aillent donc se faire foutre. Et pour le public, même tarif. Ces ingrats qui n’ont rien capté à la beauté de Metal Machine Music et qui jettent des canettes sur les musiciens en guise de preuve d’amour ne méritent pas son talent. Mais qu’à cela ne tienne, Lou Reed sait comment les punir. En une poignée de secondes, les deux accords iconiques de Walk On The Wild Side sont ovationnés, et Lou va vite calmer les ardeurs.

« Don’t you show any ion », « N’y mettez aucune émotion »,

aboie-t-il à son groupe.

« If you show any emotion I fire you » « Le premier qui y met de l’enthousiasme je le vire »

ajoute-t-il. Puis il s’adresse au public :

« I’m not sure we did this song all week, and it’s not that I don’t want to play your favorite, It’s just… There’s so many of them to choose from » « Ca fait un bail qu’on n’a pas joué ce morceau… C’est pas que je ne veux pas jouer vos préférées, c’est juste que vous avez tellement de préférées… »

La version de Walk On The Wild Side qui suit dure dix-sept minutes pendant lesquelles Reed raconte la genèse de sa chanson culte, persifle sur toutes les personnalités qui y sont évoquées, et digresse tant qu’il peut, insultant les journalistes par-ci, se plaignant de sa solitude par là, bref, il fait tout, sauf chanter son tube. A sa place, un autre aurait été chassé sous les huées et les projectiles. Mais sur Take No Prisoners, la foule est hilare, comblée par la prestation d’un Lou Reed à la hauteur de sa caricature. A ce stade, il est moins un poète maudit que sa propre marionnette, et il le sait.

« Saturday night man, where do you want to go ? Watch me turn into Lou Reed before your very eyes : woooh ! I do Lou Reed better than anybody. So I thought I’d get it on it. Enough attitude to kill every person in New Jersey. Ask him if it’s scientific. »
« Z’aviez rien d’autre à foutre un samedi soir… Alors regardez moi, je vais me changer en Lou Reed sous vos yeux : Ooooh ! Je fais Lou Reed mieux que n’importe qui. J’ai tellement de charisme que je pourrais tuer toute la population du New Jersey. C’est prouvé scientifiquement. »

Extrait du podcast "Lou Reed, le pire d'entre eux", émission complète disponible ici :

https://graine-de-violence.lepodcast.fr/lou-reed-le-pire-dentre-eux-integral

8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs albums de Lou Reed

Créée

il y a 6 jours

Critique lue 3 fois

1 j'aime

GrainedeViolence

Écrit par

Critique lue 3 fois

1

D'autres avis sur Live: Take No Prisoners (Live)

"I do Lou Reed better than anybody"

« I know so now everybody’s gonna say Lou Reed’s mellow, he’s old now… He didn’t act mean, he talks, oh boy… We’ll mug you later, you feel better ? »« Je sais ce que tout le monde va dire, Lou Reed...

il y a 6 jours

1 j'aime

Long et ennuyeux

Désolé de ne pas trouver ce live énorme, comme beaucoup d’autres avis le font, moi, je le trouve long et terriblement ennuyeux. Lou se produisait en mai 78 pour plusieurs soirs dans le club...

le 29 sept. 2024

Du même critique

White Light/White Heat
10

Apocalypse en musique, phase 2

Le deuxième album White Light White Heat sera la dernière contribution de John Cale au Velvet Underground. On le sait, c’est lui qui fut le véritable architecte sonore du groupe, et la relation qu’il...

le 28 avr. 2025

10 j'aime

Pop progressive et teigneuse

Ce disque méconnu est pourtant l’un des plus atypiques de la période. Dès le premier titre, c’est du jamais entendu : Stephanie Knows Who est une sorte de proto-punk loufoque en mode ternaire, avec...

le 31 déc. 2017

8 j'aime

Critique de Starship Troopers par GrainedeViolence

Starship Troopers est un cas atypique, un truc insensé, une œuvre que personne n’a essayé d’égaler ou même d’imiter. Le film est tiré d’un roman Robert A. Heilein, Etoiles, garde à vous !, succès...

le 4 févr. 2014

7 j'aime