Car Frédéric Chopin fait en effet partie du voyage, ses nocturnes, ses polonaises, ses études.. Et qui mieux que lui pouvait lever de telles armées sensibles, à l'assaut de nos émotions les plus souterraines...
D'ailleurs quel est il vraiment ce voyage? Road trip ou petite odyssée ? Une invitation au voyage, à se souvenir du moins ? Et pas seulement des belles choses, très probablement... A coup sûr un périple à haut risque, tout aussi miné que chargé de sens, placé enfin sous le signe de l'émotion et de la résilience. Le film enfin est tout à l'image du titre. Beau et faussement simple.
Retour sur image.
L'histoire a sans doute débuté comme ça, comme une banale cousinade, "dis donc je vais..enfin j'irais bien...alors je me suis dit...bref...tu viendrais avec moi ?" Peut être Benji et David en ont-il parlé comme ça, au téléphone... Mais nous les prendrons, nous, le jour j. A l'aéroport, le jour du départ. Deux cousins, donc, plutôt proches, plutôt très proches qui souhaitent faire un pélerinage après la disparition récente de leur grand-mère. Retourner en Pologne, où elle est née, où elle a habité, et où elle a été déportée...Rescapée des camps, elle est ensuite venue faire sa vie à New York, et ces deux bambins sont alors nés... Ils ont si bien hérité de cette femme, et de cette histoire que les voilà bâton de pélerins en main... Ils ont grandi avec l'affection de cette grand mère, mais sans jamais véritablement mettre d'images sur son é...
Voyage également initiatique donc... Mais le projet d'Eisenberg est ourlé de plusieurs malices. L'astuce-maîtresse tient avant tout dans cette association. Celle de ces deux cousins, si différents... Différents dans leur façon de vivre, d'avoir vécu leur vie, jusqu'ici, mais surtout d'avoir hérité de ce é. David et Benji sont juifs, ils se présentent comme tels le premier jour, et dans l'émotion encore de la perte de cet être aimé... Ils vont participer à un voyage guidé sur le chemin du souvenir, en partance pour Lublin.
Pouvait on prévoir leurs caractères respectifs, et particulièrement celui de Benji...Pou rle moins décalé...Car Benji prend de la place, beaucoup de place, il déborde de sentiments contradictoires, d'enthousiasme, de drôlerie, de charme...Il déborde...Mais il est réellement dans la peine, et tout est parfaitement là pour ressurgir...
Gare... Ce ne serait pas tout à fait rendre grâce au film que de seulement l'amener ou l'introduire comme ça. Jesse Eisenberg a bien trop de pudeur, et de finesse pour ça. Il écrit son film très délicatement, il cisèle cette relation, une histoire petit h ET grand H , et surtout il construit un personnage complexe en la personne de Benji. Kieran Culkin est au age absolument merveilleux, et s'attaque au continent de la dépression, ou du désespoir inné (7ème selon Haneke) avec une honnêteté et un talent remarquables. C'est ni trop, ni pas assez, c'est un travail d'acteur irable, et c'est Eisenberg qui met ainsi ce si beau projecteur sur son protagoniste. Lui, il semble là pour l'épauler simplement, pour le révéler, littéralement. Et sans doute nous livre t-il bien plus ici, sur cet héritage, sur sa propre approche du é et de l'Histoire juive. Il livre aussi un film humain, empathique, nous parlant de famille, et de mémoire.
Vous prendrez donc bien quelques claviers enchanteurs, quelques Chopinades bouleversantes, un récit de quelques simples trajectoires humaines. Car c'est le récit d'une trajectoire, et elle est en cours.
En géométrie, Benji serait une droite, infinie, sans limites. Et tout son entourage prie pour qu'elle ne se coupe pas, qu'elle ne se brise pas... David et Benji seraient deux droites sécantes, et leur point d'intersection, lors de ce voyage là, est très beau, ou plus justement le très beau sujet d'un film remarquable.