Artfulness Therapy

Cord Jefferson parle indubitablement de son vécu à travers American Fiction. L’homme qui avait écrit sur The Good Place, et nous avait livré le scénario de la fantastique mini série Watchmen a un désir de placer l’homme noir dans la société américaine comme un citoyen lambda (un américain, et non pas un afro-américain, tout simplement), loin des cases stéréotypées que sa couleur de peau lui attribue généralement. Et on comprend cette approche lorsque l’on sait que sa mère, une blanche qui a épousé un noir, a été rejettée par sa famille pour cette trahison à sa race. Et si l’exercice n’est pas toujours probant dans le film qui nous intéresse, il n’en est pas moins intéressant et bien plus malin qu’il n’y paraît au premier abord, en plus d’être mordant dans l’humour qu’il déploie.

Pour Jefferson, on ne peut pas parler de déconstruire les préconceptions sur la négritude sans en avoir soi même, sans se mettre au niveau des attendus du public cible (les bobos blancs, eux-même visés par l’oeuvre hors de la diégèse du film) pour créer une ouverture dans laquelle l’inviter à cre davantage. Une construction paradoxale qui va ainsi tirailler notre personnage, Thelonious “Monk” Ellison, et pousser l'œuvre dans des retranchements inattendus, loin de la satire à charge, et plus proche d’un constat pragmatique.

American Fiction raille ainsi à la fois la littérature et l’industrie Hollywoodienne, des entités primordiales dans le véhiculage de préconceptions, tout en ne prenant pas de posture moralisatrice car bien conscient de la vacuité de la lutte de Monk qui utilise sa couleur de peau comme justification à ses boursouflures d’ego. Le personnage tourne ainsi à vide dans un univers qui fait de même, ressortant lessivé de ses tentatives de se battre contre des moulins à vent. Tout n’est alors résumé qu’à l’offre et la demande, peu importe la portée et l’honnêteté du message en filigrane. Monk est détestable par beaucoup d’aspects, principalement par posture hautaine et élitiste vis à vis de ses proches - refusant de comprendre les mécanismes de défense de son frère qui génèrent son comportement puéril, rejetant la responsabilité familiale sur sa soeur, ou jugeant sa compagne trop sotte pour comprendre les enjeux qui le tourmente. Mais cette antipathie est largement adoucie par la compréhension de l’inextricable problème qu’il essaye de solutionner en tant qu’homme dans une machine qui le voit autre.

“On ne juge pas l'entièreté d’une personne sur ses plus mauvaises actions” lui assène-t-on. On ne peut qu’être d’accord tant les tiraillements identitaires de la surface dévoilent couche sur couche d’entraves systémiques et personnelles qui ne peuvent que se résoudre comme telles.