La crise du logement a été beaucoup présente au cinéma cette année, avec "Le Marchand de sable", "Anti-Squat" et "L'Abbé Pierre - Une vie de combats", on pourrait s'attendre à une redite, mais la démarche est un peu différente. Je n'ai pas (encore) vu "Les Misérables", donc je ne connais pas Ladj Ly, à part pour "Athena" qu'il a co-scénarisé.
Le film sera à la fois assez violent, mais se permettra quelques escapades humoristiques, avec son "ALA WOK BAR" tagué, la réflexion sur Benzema et l'équipe de , ou encore les policiers essoufflés après avoir monté tous les étages sans ascenseur. Il y a une certaine volonté de rendre l'univers et le propos un peu plus doux, j'imagine. On pourrait d'ailleurs critiquer la manière, peut-être vraisemblable, mais un peu facile, de dépeindre les CRS comme des gens qui gueulent et tapent gratuitement, même si la nuance est faite à plusieurs endroits, notamment la scène dans laquelle le CRS fait des allers-retours entre le maire et les manifestants en soupirant, ou la fameuse réplique du maire après une bavure : "Pourquoi faut toujours que ça finisse comme ça ?".
On a un beau casting, avec un Alexis Manenti que j'apprécie décidément de plus en plus, ou un Steve Tientcheu, que j'avais découvert cette année-même dans "La Gravité", qui a quand même de la gueule. On n'oubliera pas la quasi inconnue jusque-là : Anta Diaw, qui réussit à bien tenir tête au reste du casting.
L'arrivée aussi vite de la fin m'a un peu surpris, surtout après une telle scène, mais elle est plutôt intelligente sur le papier, entre la posture de l'optimisme et de la résolution de la situation sans conflit, et la posture du désespoir et de la vengeance, animé par une haine et une violence exacerbées. Même si cette finalité s'inscrit dans un récit qui semble sauter les étapes, notamment avec Haby qui devient la première opposante politique du maire en littéralement un seul plan.
Bref, un film qui me parait presque inabouti, mais qui me semble pourtant plutôt intelligemment construit. En termes de réalisation, c'est aussi assez propre, avec de beaux plans de drone. Le film peut paraitre un peu énervant par moment, avec sa violence un peu facile, mais la tension est plutôt justifiée, et on nous y montre une situation désespérée, sans forcément juger celle-ci, en nous présentant les différents partis, avec leurs préjugés (ou non). La dernière scène est vraiment réussie, je trouve (quand bien même arrive-t-elle bien vite), avec une dichotomie à la manière du film "Anti-Squat" (dans un autre contexte certes), où la perspective entre la violence émeutière et la révolution pacifiste ne doit pas être confondue.
(Vu le 10 décembre 2023 au cinéma)