Une naissance, un homme qui sort de prison, un autre qui se fait tabasser et perd son emploi, la sœur la moins aimée qui affiche sa réussite à la sœur préférée qui enchaîne les galères, un adultère, un couple qui se délite, une promesse non tenue, une série d'éléments se mettent ainsi en place jusqu'au drame final et sa conclusion presque logique.
Dit ainsi, on pourrait imaginer un polar au rythme endiablé dans les quartiers chauds de Marseille. Sauf que l'on est chez Guédiguian : on prend son temps, personne n'est pressé, parce que désœuvré ou usé, fatigué, à l'image de Sylvie (Ariane Ascaride) qui travaille de nuit et rentre au petit matin, épaules basses et visage éteint, ou Daniel (Gérard Meylan), mal habitué à la liberté, flânant sur le port et composant des haïkus.
En arrière plan, les winner contre les loosers, les taxis contre les uber, les CDD plutôt que les CDI, les emplois sans fiches de paie, les gréviste contre les non gréviste (j'ai vu le film le 5 décembre, c'était pile poil dans la thématique du jour). La violence, en parole et en acte, est partout : envers les employés, envers les clients, envers la concurrence, au sein de la famille, entre collègues.
Guédiguian semble porter un regard de plus en plus désabusé sur un monde où le collectif a perdu sa force, le travail sa valeur, où le chacun pour soi prime sur l'entraide et la solidarité, y compris dans sa propre famille.
Tout est teinté de pessimisme. Même l’héroïsme des gens simples (thème récurrent dans les films de Guédiguian) est ici un peu triste et fataliste. Guédiguian semble avoir cessé de croire que le monde peut aller mieux, que la vie reste belle grâce aux gens, cet optimisme qui faisait le charme de ses films. Un peu comme Daniel qui prédit à sa petite fille qu'après avoir été longtemps à l'école, elle sera au chômage. "Sic transit gloria mundi" ("ainsi e la gloire du monde") plus que "gloria mundi". Le tout sourire aux lèvres et grand soleil dans le ciel bleu.