Film vu dans le cadre du festival "Hallucinations collectives".
Film de la sélection "Instinct gréguerre."
Yves Boisset qui vient de nous quitter aurait pu réaliser ce film. En effet on y retrouve sa thématique du rapport à l'altérité empoisonnée par les idées reçues et les amalgames qui gouvernent les pensées et les idées réactionnaires. Portrait acerbe d'une ruralité pétrie dans ses convictions délétères quant à l'autre, le corps étranger, l'externe à la norme, à la tradition.
Klaus Kinski, qui n'avait pas tourné depuis plus d'un an suite au tournage éprouvant de Woyzeck, revient encore marqué et délivre une performance peut-être moins habitée qu'à l'habitude mais certainement pas moins intense. Il y campe un motard qui décidant de faire une halte dans un petit village normand se retrouve confronté aux violences, d'abord psychologiques à base d'intimidations, puis physiques des habitants. La raison de cette haine ? L'accident mortel survenu à une fillette du hameau provoqué par un motard.
Tant le spectateur, que les habitants, ont beau savoir que ce n'est pas lui le coupable, qu'importe sa présence est intolérable et les tensions se font de plus en plus grandes. Jouant en grande partie sur les codes du western pour installer son propos sociétal - quasiment politique - l'atmosphère volontairement champêtre, l'iconographie du petit village traditionnel, son clocher, son bar, viennent contraster avec l'oppressant sentiment de rage qui s'incarne lui dans les âmes du lieu. L'inaction du maire, le silence de la majorité face aux exaction d'un petit groupe particulièrement virulent, jusqu'au laisser-faire du curé, notre pauvre motard est bien seul, il ne trouvera en ce lieu qu'une alliée qui elle aussi de par sa liberté de pensée et de vie, suscite la méfiance et même le rejet.
Le film se crante d'une impression d'impuissance, qui m'a quelque part fait penser à ces films australiens, "Wake In Frigh" ou "Les Voitures Qui Ont Mangé Paris" où la nature et l'isolement construisent la plus inextricable des prisons, cette campagne où quelque soit la route, le sentier, ou les chemins de traverses qu'on emprunte ont finit toujours par se retrouver dans la nasse de ses persécuteurs.
Jusqu'au dénouement d'une radicalité folle, jamais le film ne relâche la tension, y compris dans son rythme, tout en crescendo vous obligeant de er du statut de témoin très externe à celui de spectateur presque complice, nous offrant une séance qui questionne nos limites quant à suivre la foule en colère.
Il est dit dans les milieux cinéphiles qu'on ne sait pas exactement de quoi voulait parler Dominique Goult, dans quel genre il voulait inscrire son film. J'y vois pour ma part un récit très fin sur l'essentialisme cette notion psychologique qui peut se définir par la notion de l'amalgame. Ce qui me conduit d'abord à considérer ce film comme dialoguant étrangement avec notre époque et d'enfin reconvoquer la mémoire de Yves Boisset en citant son film "Dupont Lajoie".