Le titre pompeux m'a rebuté pendant pas mal de temps, avant que je ne me décide à voir ce film. Et j'ai bien fait de déer mes préjugés.
Je craignais de retrouver les défauts et les clichés qui constituent en général les films français du genre, avec critique systématique des flics et de l'armée, sur fond de mea-culpa envers les minorités opprimées - et le film évite habilement ces écueils, sans renoncer à une critique sévère des militaires et des politiciens. Mais il s'efforce avant tout de la déer car là n'est pas son propos.
Je crois que Kassovitz a surtout voulu essayer de montrer ce qui peut mettre en échec les efforts désespérés de la diplomatie et du dialogue de faire entendre leur voix. Et c'est là où réside son intérêt principal à mes yeux, dans cette tentative de comprendre comment et pourquoi les obstacles qui s'opposent au dialogue parviennent finalement à lui faire barrage et à lui opposer une fin de non recevoir.
Tout le film est construit sur le parcours tortueux que va suivre Philippe Legorjus, capitaine du GIGN, pour essayer de trouver une solution pacifique à une prise d'otage sanglante dans laquelle se sont enfermés des indépendantistes Kanaks. Kassovitz dresse un portrait implacable des politiciens et leur gestion inconséquente d'évènements dramatiques, dictée par le calendrier électoral et le bruit des médias.
Politique du présent, à laquelle souscrivent les militaires, focalisés eux par un pragmatisme qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, politique qui conditionne et enferme l'avenir, le choix de la rapidité d'une résolution "efficace" d'un problème présent, plutôt que celui de la lenteur du dialogue, sera lourd de conséquence pour le futur.
Kassovitz aborde ici un thème malheureusement central dans la politique - et pas seulement en , et le traite avec brio, dans cette progression que l'on sent inéluctable mais où l'espoir ne s'avoue jamais vaincu.
Son choix de prendre un évènement dans l'histoire, violente, de la Nouvelle-Calédonie pour illustrer son propose, est louable à plusieurs titres. D'abord, tout comme en politique, cet archipel et sa population sont totalement absents du cinéma français dont 80% de la production se situe dans Paris intra-muros et 20% en Province (dont 19,9% en Provence, contrée exotique de prédilection, peuplée de cigales du 1er janvier au 31 décembre). Et ne serait-ce que pour cela, son film est méritoire et fait figure d'OVNI dans le cinéma français. Ensuite, Kassovitz s'efforce de rendre justice à sa population et aux indépendantistes, abondamment salis par les médias de l'époque (je doute que la nôtre, qui lui préfère l'oubli, fasse mieux), même si dans ce mouvement de balancier inverse, il tend un peu trop à les présenter sous l'angle de l'angélisme - mais reconnaissons qu'il est difficile de dépeindre une victime sans prendre ce travers.
On pourra reprocher au film le jeu de certains acteurs, une manière de filmer l'assaut final assez brouillonne, mais ce sont des défauts formels sur lesquels il serait dommage de s'attarder, quand l'histoire et le fond du film sont réellement captivants.