À Mad City, le direct est fragile

Les films de Costa-Gavras ont beau ne jamais avoir brillé pour leur subtilité, avec Mad City, le réalisateur est arrivé à se surer dans ce registre. Est-ce que ça rend le film dont il est question ici mauvais pour autant ? Quand même pas, mais force est de constater que les sabots étant tellement énormes, que le scénario étant tellement prévisible, que j'ai fini par m'ennuyer.

Ça ne commençait pas si mal pourtant. Après un générique d'introduction qui fait clairement le rapprochement entre le journaliste de terrain et le chasseur, v'là qu'on y voit François Cluzet… euh Dustin Hoffman pardon, camper ce genre de journaliste à la con, celui qui cherche le buzz et autres scoops minables, qu'on a tous appris à détester depuis, et ce, à raison.

Ç'a commencé à puer avec l'arrivée de John Travolta. Le bonhomme est déjà plutôt mauvais en règle générale, voilà qu'il en fait des caisses ici (surprenant, en jouant un teubé, il aurait dû être dans son élément). C'est d'autant plus drôle que là où la VF aurait pu rendre sa prestation moins ridicule, la voix de Bernard Giraudeau ne fait qu'accentuer ce côté-là tant il n'est pas fait pour doubler un acteur de cette carrure (aucun regret d'avoir vu le film en VO du coup). C'est encore plus con qu'autant John Travolta est une grosse erreur de casting (en plus d'être une grosse erreur tout court), autant retrouver Dustin Hoffman, Robert Prosky ou encore William Atherton, qui ont tous joués dans un « gros » film dans lesquels ils incarnent un journaliste, est le genre de clin d'œil que j'apprécie retrouver.



Encore une fois, les gros sabots de Costa sont présents, Sam étant un idiot sans diplôme (je précise, au cas où, que les deux sont très loin d'aller de pair) qui ne sait pas ce qu'il fait, sa figure va être exploité et réexploité pour aller dans un sens ou dans l'autre, les journalistes menant la danse : de la comion pour l'homme qui ne sait pas ce qu'il fait, au monstre sanguinaire qui ose prendre en otage des enfants, tout y e, y compris le racisme… ainsi qu'une courte séquence vachement cringe durant laquelle on y aperçoit quelques-uns des rares acteurs noirs du film rapper, forcément… ça ne dure qu'une dizaine de secondes et ce n'était peut-être pas nécessaire. L'emballement de la machine médiatique, et la manipulation de l'image et du public qui découle de la prise d'otage, la recherche du spectaculaire, est heureusement plutôt bien amenée, surtout qu'elle inclut aussi les conflits entre les journalistes, au sein de la même chaîne ; journalistes qui s'affrontent donc par sujets de reportage, ou plutôt par victimes, interposées.

Malheureusement, du moment qu'on sait que l'appréciation qu'à le public de Sam est poussé à fluctuer, on sait aussi où va nous mener le film, et malheureusement, autant j'ai trouvé la première heure de ce Mad City vraiment bonne, voir très bonne, autant la seconde m'a essentiellement donné l'impression de regarder un film faisant du surplace et, je ne vous le cache pas, plus la fin approchait, plus je m'ennuyais. Si certaines scènes font mouches, comme les deux premières tentatives de suicide de Sam face caméra, ratées forcément, qui ne sont pas sans rappeler le niveau de pitoyabilité de celles présentes dans un Taxi Driver, le coup de l'assistante qui trahit son supérieur aurait gagné à être mieux amené, réellement exploité, plutôt que balancé comme ça, un peu comme il m'arrive de balancer mes arguments claqués au sol au sein de mes critiques sans la moindre trace de recontextualisation. Pire, la dernière séquence de fin, durant laquelle Max crie à la foule que ce sont eux qui l'ont tué, tous ensemble, est insoutenable de malaise tant celle-ci aurait mérité écriture plus subtile.

Finalement, force est de constater que le long aurait gagné à ne pas l'être tant que ça, qu'en l'état, quelques dizaines de minutes auraient pu être coupées tant le film a beaucoup moins de choses à nous raconter une fois arrivée à sa seconde partie.



À noter que si les scénaristes du long, Tom Matthews et Eric Williams, se sont inspirés en premier lieu du siège de Waco en 1993, et que l'on pourrait aisément dresser des liens avec ce qui a conduit à la mort de Lady Di l'année de la sortie du film, certaines séquences, notamment celle où le « terroriste » apprend en direct à la télévision que quelqu'un est caché dans le musée, paraitraient à côté prémonitoire. En effet, impossible de ne pas penser à cette histoire, qui pourrait presque faire rire si elle n'était pas liée aux événements tragiques de Charlie Hebdo, où un otage des frères Kouachi, qui venaient alors de se retrancher dans une imprimerie, s'était caché dans un carton et informait les forces de l'ordre par SMS… avant que cela soit annoncé en direct à la télévision (par chance, contrairement à Travolta, les deux frères ne la regardaient pas).



Costa-Gavras achèvera donc sa carrière américaine, composée de 4 films, par ce qui en ressort sans nul doute comme étant son moins bon, mais aussi l'un de ses plus gros bides, Mad City ayant engrangé un peu plus de 10 millions de dollars sur le continent nord-américain pour 50 dépensés.

Quoi qu'il en soit, bide ou succès commercial, échec critique ou non, l'auteur n'aura à aucun moment sacrifié les thèmes qui lui sont chères afin de faire plaisir au public américain. Certes, Mad City est loin d'être son film le plus réussi, reste qu'on y retrouve nombre des thèmes du cinéaste : l'injustice, la volonté de filmer les vaincus, ceux qui sont dans l'erreur, les nombreux renvois à la réalité, la responsabilité individuelle… bref, autant Costa n'aura pas autant brillé qu'un Verhoeven, par exemple, en partant dans le pays de l'Oncle Sam, autant, on est très loin des autres réalisateurs qui se sont faits sacrifier sur l'autel de la médiocrité tout ça pour plaire à quelques producteurs cyniques.

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le 7 mai 2025

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MacCAM

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