Derrière ce titre un tantinet académique se cache un film qui cherche à ne pas l'être. Maria Shrader en six tableaux évoque quelques tranches de vie parmi les dernières années de l'auteur du "Joueur d'échecs". Séquences numérotées et introduites par des intertitres. Loin du biopic traditionnel, on est bien dans un film à dispositif. Le film échoue parfois (longues scènes dialoguées trop didactiques, clarté tropicale rendue par une photo vraiment surexposée) mais réussit souvent (étonnante scène d'introduction en caméra fixe, hilarante séquence de réception dans une plantation de canne à sucre, très beau décor d'appartement New-Yorkais...). Josef Hader incarne tout en regards perdus et accablements polis un Stefan Zweig lucide, trop lucide pour er les réceptions qu'il accepte à répétition afin de venir en aide autant que possible à sa famille, ses amis, compatriotes. A ses côtés, Barbara Sukowa et Aenne Schwarz jouent Mme Zweig, l'ancienne et la nouvelle. A noter également un caméo de Jacques Bonnaffé tout en stress.
La mise en scène de Maria Schrader fait souvent mouche, toute en subtilités, comme ce flash d'appareil photo lors d'une réunion du Pen Club à Buenos-Aires qui immortalise autant le visage de Zweig pris dans ses mains alors que la liste des écrivains allemands en déportation ou en exil est égrenée, qu'il ne vient l'avertir que toute l'assemblée s'est levée pour applaudir.
Enfin la dernière séquence et scène du film mérite tous les éloges. La caméra à nouveau fixe dans l'espace d'une chambre, on entend hors champ deux voix qui essayent de traduire un texte de l'allemand vers le portugais. Inutile de tout dévoiler, le miroir d'une porte d'armoire, plus ou moins ouverte s'en chargera pour nous. Zweig a écrit sa dernière lettre, nous sommes le 22 février 1942, son corps git sur un lit au côté de celui de sa femme Lotte. Le cinéma est grand quand avec peu il dit beaucoup. On aurait aimé écrire que le film est tout du long aussi inspiré, ce n'est pas le cas mais il a le mérite de donner à voir un homme chaleureux et modeste autant qu'une conscience prise au piège.