L’art de tuer sans conviction

Visuellement, AC Shadows en impose : le Japon féodal est magnifique, baigné d’une lumière changeante au fil des saisons, servi par une direction artistique cinématographique. Les paysages sont superbes, la diversité des environnements est réelle, et le mode d’exploration non guidée pousse à l’émerveillement. La culture japonaise y est traitée avec un soin certain, et la base de données ravira les amateurs d’Histoire.

Mais derrière ce bel écrin, le fond peine à convaincre.

Le démarrage est (très) long, l’histoire principale lisse, sans tension dramatique marquante ni vraie montée en puissance. La guerre entre Assassins et Templiers est reléguée au second plan au profit d’un arc central qui peine à captiver. Les deux protagonistes peinent aussi à porter le récit : Yasuke est plus marquant que Naoe, qui manque franchement de charisme. Les dialogues et les cinématiques souffrent aussi de visages inexpressifs façon cire, un cran en-dessous de ce que l’on attendait pour un jeu de cette envergure.

Le gameplay, s’il introduit quelques bonnes idées (la destructibilité des décors, le retour du parkour descendant, les éclaireurs pour repérer les cibles), reste plombé par les tares habituelles de la série : des combats raides, une IA aux fraises, des phases d’infiltration qui n’en sont que le nom (aucune vraie pénalité à foncer dans le tas), et une absence de chasse ou de gestion de la météo qui ruine l’immersion (qu’il pleuve, vente ou neige, nos héros peuvent restent en t-shirt sans broncher), Yasuke qui nage avec 40kg d’équipement sur le dos… et bien évidemment la gestion calamiteuse des chevaux (as usual… n’est pas RDR2 qui veut !). Et que dire de ces animaux qui se baladent dans des endroits parfois incongrus ?

Le système de menus est dense mais finalement assez bien conçu, les missions secondaires sont variées, et la construction du repaire apporte un petit côté RPG sympa (mais on s’en détache très très vite). Le tableau des objectifs est bien fichu, les temps de chargement ont été nettement réduits, et certains choix de mise en scène fonctionnent très bien.

Mais il reste un goût d’inachevé : des commerçants peu utiles, des PNJ intouchables même quand on tente un massacre, une impossibilité de combattre à cheval, une vision d’aigle moins convaincante qu’avant, et surtout… ces maudits postes de garde qui se repeuplent après chaque chargement, façon Far Cry 2, ruinent toute logique de progression.

AC Shadows est donc un correct épisode, servi par une réalisation de haut vol, mais sans la profondeur ni la folie d’un Black Flag ou la finesse d’un Origins. Clairement il manque une réelle connexion aux opus précédents, et on commence un peu à s’y perdre dans la narration et l’histoire méta assassins/templiers.

Beau, oui. Mémorable ? Non.

Une ombre de ce que la série pourrait être.