Une vraie claque artistique ou simplement une hype agère ?

Clair Obscur: Expedition 33 est probablement la claque de 2025 pour beaucoup de joueurs. Le jeu propose une expérience forte, sans compromis, avec un gameplay qui s’inspire de licences cultes (Final Fantasy, Persona, Nier ou globalement le milieu du JRPG) tout en apportant sa propre personnalité. Il brille par bien des aspects, mais la question mérite d’être posée : la hype autour du jeu ne nous a-t-elle pas un peu aveuglés ? Si l’avis général reste très positif, quelques critiques soulèvent des points intéressants, offrant à mes yeux une vision plus nuancée.


Commençons par ce qui fonctionne le mieux sur moi, le gameplay.

Le système de combat au tour par tour de Clair Obscur est, selon moi, l’un des plus stimulants de ces dernières années. Certes, l’idée d’y intégrer des QTE et des mécaniques de parade/esquive n’est pas totalement nouvelle, on peut pensé à Paper Mario ou bien évidemment Mario & Luigi. mais ici, elle est poussée à un autre niveau je trouve. Pouvoir interagir activement pendant les phases d’attaque ou de défense rend les combats dynamiques, engageants, gratifiants. Tellement gratifiant que je n'ai jamais skip de combat durant toutes mes sessions de jeu.

Ce style gameplay permet aussi de contourner un défaut récurrent des JRPG traditionnels : le grind obligatoire pour progresser. Ici, on peut s’en sortir avec simplement les mécaniques proposés, rendant certes l'expérience "plus facile" mais n'ajoutant pas artificiellement de la difficulté de manière absurde (Coucou Okumura). Alors oui, cela déplaira probablement aux adeptes des JRPG, mais n’est-ce pas là une victoire pour rendre le JRPG plus accessible au grand public.

Les styles de combat des personnages sont pour la plupart variés et bien pensés, jouant sur l'accumulation de combos et l'optimisation des dégâts. Cela dit, une fois son équipe choisie, les autres membres ont tendance à rester sur le banc, je vise principalement toi Monoco qui arrive bien trop tardivement dans l'aventure pour qu'on ait envie de jouer avec toi.

Le système de picto ajoute une couche de personnalisation assez profonde pour inciter à expérimenter pendant des heures. La limitation à 9999 points de dégâts est également une excellente idée même si elle arrive très rapidement, elle permet de nous empêcher de rouler sur le jeu trop vite, tout en maintenant une envie de tester de nouveaux builds une fois cette limite levée plus tard dans le jeu.

En termes de mouvement, le jeu est agréable à prendre en main. Les phases de plateforme sont rarement punitives, sauf dans quelques mini-jeux humoristiques bienvenus. Ainsi les mouvements ne nuisent pas à l’expérience globale qu'on a du jeu.


Le second grand point fort du jeu, c’est sa direction artistique.

Le HUD, directement inspiré (pour ne pas dire copié) de Persona 5, manque certes d’originalité, mais force est de constater qu’il fonctionne vraiment bien : dynamique, lisible et parfaitement intégré au rythme des combats, c'est ce qu'il se fait de mieux en RPG tour par tour. Cependant, les menus de gestion de personnages sont un peu moins propre que ceux des combats, parfois confus, manquant un peu de clarté, mais font le largement le taffe.

L’univers visuel du jeu est une franche réussite : chaque environnement possède une identité forte, tantôt lyrique, tantôt austère, toujours immersif. Le jeu nous fait voyager avec une véritable cohérence esthétique.

L’inspiration globale, notamment l’idée d’un Paris aux allures de fin du monde, fonctionne très bien. Les décors évoquent de nombreux environnements familiers pour nous, Français, et s’intègrent parfaitement à l’esthétique générale du titre. Dommage toutefois que Sandfall n’ait pas puisé du côté de la Côte d’Azur pour les plages des Gestrals...

Les musiques participent pleinement à cette immersion. Toutes sont magnifiques, et certaines semblent même s’inspirer des sonorités de NieR (ce qui n’est pas pour me déplaire). Elles accompagnent parfaitement les moments clés de l’histoire.


Un level design perfectible.

On pourrait reprocher au jeu son aspect "jolis couloirs". La structure est labyrinthique, mais le chemin principal reste toujours facile à suivre. Les quelques déviations mènent généralement à une récompense ou à un boss secondaire. Ce n’est pas fondamentalement gênant que le jeu est une structure aussi classique. Cependant, en l’absence de carte, cette organisation finit par nuire à l’exploration. On tourne souvent en rond pour essayer de trouver un endroit qu'on a pas explorer. Et au final on a pas forcément envie de revenir sur ses pas pour chercher ce qu’on aurait pu manquer.

Des voyages rapides sur la carte globale auraient été bienvenus. Refaire des trajets déjà parcourues devient vite répétitif, surtout après plusieurs dizaines d’heures de jeu. Alors oui, certains éléments sont dissimulés sur la carte, mais laisser le choix au joueur reste toujours plus agréable.

Tout cela fait partie des éléments progressivement intégrés dans le milieu du jeu vidéo, et aujourd’hui unanimement considérés comme du confort de jeu. Je trouve donc dommage qu’ils n’aient pas été ajoutés dans ce titre.


Un scénario fort, mais des personnages oubliables.

Le scénario démarre fort. N’ayant rien lu sur le jeu et son histoire avant de lancer ma partie, j’ai été agréablement surpris par l’introduction. Le postulat intrigue, le découpage en actes structure bien la narration, et chaque segment développe des thèmes et des personnages spécifiques.

Mais à mes yeux, je trouve que l’acte 3 commence sur une note un peu décevante. Le twist semble un peu forcé, presque "de trop", elle est centrée sur des enjeux familiaux peu crédibles, avec un rythme qui s’accélère brusquement, donnant l’impression d’un rush et d’un skip d’étapes clés de l’histoire. Cela dit, le dernier tiers du jeu parvient à redresser ce que j'avais trouvé personnellement décevant, et la conclusion est à la hauteur, apportant une vraie nuance sans sombrer dans le manichéisme. Il n’y a ni bonne ni mauvaise fin, seulement des perspectives différentes. Ce choix narratif mérite d’être salué, car il n’est malheureusement pas si courant dans le jeu vidéo. Les choix narratifs sont bien légitimés, et cela me suffit à finalement considérer que ce "trop" était nécessaire pour offrir cette belle conclusion que nous délivrent les scénaristes.

Néanmoins, le traitement des personnages est très inégal. Maelle, Verso (et dans une moindre mesure Gustave) sont bien développés, mais le reste du casting manque cruellement de profondeur. Sciel, bien que charismatique, est globalement une femme en deuil qui se cache derrière une fausse bonne humeur pour soutenir l’équipe. Malheureusement, dans l’histoire, le mari de Sciel est à peine mentionné dans deux ou trois cinématiques, et cette fausse bonne humeur semble plus relever de la niaiserie que d’un véritable mal intérieur. Lune est encore moins développée. Le poids de l’héritage de ses parents semblent la peser, mais là encore, on ne le ressent qu’à peine dans quelques cinématiques. Le jeu a bien essayé, à travers les conclusions des Axions, de rendre ces deux personnages plus intéressants, mais cela semble forcé et n’a pas vraiment l’effet escompté, ce qui est dommage, surtout quand ça concerne le cast principal. Je mentionnerai qu'à peine Monoco, qui semble probablement être une blague des développeurs voulant ajouter un peu d'humour au jeu, car il est aussi bien développé qu'une plante verte. Mais étant donné que l’humour est déjà bien présent avec Esquies, je ne vois vraiment pas ce que Monoco apporte au jeu. Si quelqu'un peut m’éclairer là-dessus, je suis preneur.


Cette partie révèle des éléments sur les antagonistes. Je vous encourage donc à l’ignorer si vous prévoyez de jouer au jeu un jour.

Du côté des antagonistes, même constat : le potentiel est là, mais tout n’est pas exploité. Aline, rongée par le deuil, apparaît comme une caricature de mère obstinée par son fils, et son retour final en mode "Deus Ex Machina" manque de subtilité. Renoir, en revanche, gagne en profondeur dans l’acte 3. Le fait qu’il soit un "faux" dans les premiers actes justifie son manque de relief initial, mais une fois l'acte 3, son ambition devient plus compréhensible, presque légitime. Vouloir le mieux pour sa famille en supprimant ce qui la divise, c’est-à-dire le dernier lien entre son fils décédé et sa famille permettant ainsi d'enfin faire le deuil. C’est quelque chose que les autres personnages n’ont pas réussi à faire, notamment Maelle, qui contrebalance cette vision avec une posture plus ambiguë : fuir la réalité pour se réfugier dans un monde factice. Une démarche discutable, mais touchante et compréhensible, surtout quand on considère ce qui l’attend dans le monde réel : une famille divisée, un handicap qui l’affaiblit… Ce monde, bien que fictif, lui permet enfin de vivre dignement. Je trouve que cela en fait un personnage plus cohérent qu’Aline dans ses choix.

En résumé, Clair Obscur: Expedition 33 est une réussite marquante, surtout pour un premier jeu issu du petit studio Sandfall composé uniquement de 33 personnes. Si tout n’est pas parfait, le jeu forçant parfois sur les émotions, et possédant quelques personnages oubliables, le gameplay, la direction artistique et l'investissement qu'on accorde à l’aventure portent le jeu à un niveau bien au-delà de ce que j’attendais.

Ces quelques défauts sont soit mineurs comparés à ce que j’ai apprécié dans le jeu, soit simplement des choix qui, personnellement, ne me conviennent pas entièrement, mais qui sont loin d’être mauvais.


Ai-je trouvé que le jeu méritait sa hype ? Oui, sans hésitation. Et j’espère sincèrement que son succès inspirera d’autres studios, y compris des non-indépendants, à proposer des œuvres ambitieuses, audacieuses et plus singulières. J’ai é 35 excellentes heures sur Expedition 33, et j’attends déjà la prochaine aventure de Sandfall avec impatience.

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le 12 mai 2025

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Mikaleplubo

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