Les mots sont durs, mais je vois plutôt Lushfoil Photography Sim comme un avant-projet prometteur plutôt que comme un jeu fini. Mais il ne faut pas tirer sur l’ambulance non plus : je ne reproche pas au seul développeur du jeu de ne pas être ergonome, game designer, ou encore programmeur, etc. C’est le projet d’un photographe paysagiste ayant l’envie de partager cette ion, ce métier, avec tout le monde.
Développé avec l’Unreal Engine 5, le jeu vise le photoréalisme et promet des moments d’évasion et de balade. Alors en tant que photographe, même si je n’aurais peut-être pas dû, j’étais plein d’espérances, me rappelant mes errances dans les Highlands d’Écosse, ou encore le fantasme d'être “libre” dans le Landmannalaugar, en Islande. Et malheureusement, ce fut la douche froide… mais pas là où je l’imaginais.
Pour faire court, le jeu a le cul entre deux chaises, dosant maladroitement la volonté d’immersion au détriment de son accessibilité.
Le jeu souffre de problèmes d’ergonomie : il est plus simple de faire des réglages sur un reflex numérique que sur l’interface, pourtant très fidèle, en jeu. Une roue crantée par pression afin d’accéder aux réglages désirés me semblerait une meilleure option, par exemple. Ce genre de problème, le jeu en a conscience et propose de désactiver certaines options : “si vous avez la nausée, désactivez ceci”, “vous avez du mal à distinguer les limites du jeu, activez-les (c’est moche)”, “vous ne savez pas quoi faire ? Utilisez la rubrique d’aide”. Le jeu ne dispose également pas de carte, alors qu’on doit redre un point précis une fois l’objectif rempli.
Au-delà de l’ergonomie, il y a un gros manque d’explications qui, sans en faire une liste exhaustive, crée un sentiment de frustration ou d’incompréhension. Et je peux vous dire que je ne suis pas un novice en jeu vidéo (après 7 valises ouvertes, je ne sais toujours pas à quoi elles servent). De ce fait, le jeu n’est pas là pour vous apprendre la photographie. Il n’y a aucune explication sur ce qu’est la profondeur de champ, la vitesse d’obturation, la sensibilité ISO, la mise au point, la balance des blancs... vous pouvez vous brosser ! Le jeu est fait par un photographe, pour ceux qui connaissent la photographie, ce qui réduit drastiquement sa cible.
Alors, si le jeu n’est pas fait pour les novices, est-il fait pour les photographes ? Pas vraiment. La beauté des paysages nécessite des sacrifices en ressources (pas d’Open World), ce qui donne un jeu à couloir plutôt qu’à zones semi-ouvertes, qui auraient pu être plus pertinentes pour l’immersion et la balade. J’ai pris plus de plaisir à parcourir les forêts de Kingdom Come: Deliverance 2, qui reste pourtant un Open World. Le photographe aime sortir des sentiers, monter sur une structure, trouver un lieu qui correspond à son envie. Ici, nous devons obligatoirement changer d’objectif pour nous adapter aux limites et murs invisibles.
Du coup, la balade se résume à suivre un sentier qui limite notre approche créative : nous subissons ces couloirs plutôt que de les sublimer. Pour enfoncer le clou, nos photos ne sont pas éditables. Je conçois qu’un photographe n’a pas Photoshop en randonnée, mais dans un jeu vidéo, on n’a même pas droit à la modification du cadre, ni même… à envoyer nos photos vers la galerie Playstation. L’expérience se prolonge donc via un bête screenshot qu’on télécharge depuis notre application mobile. SYMPATHIQUE, dis donc.
Alors j’adresse tout de même des excuses, car les reproches formulés ne sont pas vraiment à destination du photographe : son projet respire la ion, et c’est déjà beaucoup de travail. Néanmoins, si nous rêvions un peu, j’aimerais :
- De la faune, avec des objectifs macro et super téléobjectifs. Je rêve d’un 600 mm à grande ouverture !
- Des animations de changement d’objectif, vissage de filtres, démontage de trépied, etc. De
- la pose longue avec des filtres ND, trépieds.
- Un format autre que le 4/3. Le 16/9 en paysage, c’est la base !
- Pouvoir retenir sa respiration avant le déclenchement en cas de pose lente ? On le fait bien dans Sniper Elite.
- Des tutos sur la photographie pour les débutants, sous forme de missions. Des missions libres pour des “clients” fictifs.
- Un monde organique, optimisé, et sans ralentissements.
- Un mode ouvert ? Kingdom Come: Deliverance 2, où es-tu ?
- La possibilité d’er les photos ailleurs de manière fluide et d’y avoir facilement accès.
- Une collaboration avec les marques ? Canon, Nikon, Sony, etc. ? Un Gran Turismo de la photo ?
Enfin, avec un vrai studio de développement et des photographes ionnés comme notre créateur, nous pourrions avoir la simulation ultime que ce projet mérite ! Malheureusement et à juste titre pour 15 €, vous aurez droit à un draft jouable, louant d’ambitieuses intentions.
PS : j’ai trouvé de quoi agrémenter la playlist “Bonne nuit la chérie” pour mes petites filles. Chouettes musiques !