Ça y est, l'aventure est enfin bouclée, après 90h en ayant l'intention de ne "pas m'attarder sur le jeu". Ahah. J'en sors ému par une fin plutôt bien écrite et ayant fait vaciller mon petit cœur, me faisant presque oublier combien ces 90 heures étaient parfois douces, parfois prenantes, souvent éprouvantes. L'envie brûle d'étayer les aspects qui me semblent pénibles tant ils ont pesé, pourtant un autre sentiment m'habite : "mec, c'est tellement facile de s'attaquer aux défauts, demande toi pourquoi t'y es resté tout ce temps et ponds nous un truc constructif".
On va donc positiver et contructiver au maximum, et d'abord contextualiser. Xenoblade Chronicles est une saga qui vient après Xenogears et Xenosaga, des JRPG ambitionnant d'être profonds dans leurs messages, inspirés de philosophes germanophones, très dirigistes et ponctués de nombreuses cutscenes, avec des combats au tour par tour. La saga des Xenoblade Chronicles suit le même souhait d'approfondir des questions fondamentales avec une approche bien différente : l'accent est mis sur l'exploration d'immenses zones ouvertes, ses combats sont inspirés des mmorpg à déplacements libres, et ses cutscenes sont bien plus diluées mais prennent un tournant "shonen" se voulant plus percutant. Un choix qui, à la sortie du premier épisode en 2011 sur Wii, était une grosse claque : la mode des mondes ouverts n'était pas celle qu'on connaitra durant les années suivantes et nous frisions alors l’écœurement des JRPG "à couloirs". A l'époque, les choix de Xenoblade Chronicles soufflaient un immense vent d'espoir et de plaisir (quoique me donnant déjà un petit gout de "trop", MAIS RESTONS POSITIFS ET CONSTRUCTIFS... pour l'instant).
Chaque Xenoblade canonique infuse un concept central dans la conception de son monde, et de ce concept naît un scénario complexe s'étalant sur des centaines d'années. Je ne pensais pas qu'il était possible de trouver un postulat de base aussi efficace que le premier opus. Sans rien en dévoiler, je pense que Xenoblade 3 y parvient et que les thèmes qui en découlent permettent une forte empathie pour les personnages. L'écriture des personnages dans la saga des Xenoblade font rarement l'unanimité : certains touchent, d'autres agacent. Xenoblade 3 fait le choix de nous confier ses six protagonistes principaux d'une traite, et ceux-ci sont tous sur le champ de bataille en même temps. Certains seront plus attachants que d'autres, mais ils bénéficient tous d'une écriture plutôt approfondie. Un choix inhabituel et plaisant. Ah, et j'ai enfin trouvé les Nopons, créatures mascottes de Xenoblade, ables, je dirais même qu'ils étaient sympathiques et intéressants ! Une prouesse.
En parcourant les terres de Xenoblade 3, je suis d'une immense iration pour les artistes à l’œuvre : les lieux sont (très) vastes et sans cesse constellés de nouveaux décors. La géographie très organique mêlant horizontalité et verticalité, la variété des villes et des lieux, la faune, le design des très nombreux personnages,... On en prend plein les mirettes, même sur une Switch. Enfin, le jeu est lourdement écrit, en s'appuyant notamment sur 14h de cutscenes correctement doublées, et est pétri de personnages jouables et non jouables. Bref, le contenu proposé donne le vertige, et si cela n'est pas toujours pour le meilleur, j'adresse tout mon respect aux nombreuses mains derrière ce projet.
Le parcours de Xenoblade 3 m'a pas mal questionné sur mon rapport au JRPG. C'est un genre qui regroupe des aspects dans lesquels j'aime me réfugier : des mondes singuliers, d'apparence déconnectés de notre quotidien, avec des univers possédant leurs propres codes permettant de rêver une fois la manette posée. Une grande dose d'inconnu, de l'exploration, de la découverte. Je n'apprécie pas les jeux qui indiquent dès le début les contours de la tâche à accomplir (Assassin's Creed Odyssey, tu m'as perdu dès que j'ai vu ta map) : j'aime me plonger naïvement dans une aventure et me dire, à la fin, "putain, j'ai fait tout ça !". Pourtant, je n'ai pas abordé Xenoblade 3 avec autant d'enthousiasme : connaissant les précédents épisodes, je me doutais que je m'attaquais à un petit Everest. De plus, je m'aperçois très vite que le jeu reprend les mécaniques tracées par ses prédécesseurs, atténuant ce sentiment de découverte. Heureusement, c'est par quelques tournures scénaristiques que le jeu instille en moi les graines de la curiosité, qui me tiendra longtemps : je salue la force incroyable de ce scénario et de certains moments-clés qui m'ont permis de ne pas lâcher la manette quand le gameplay me devenait très pesant. Malheureusement, il y a souvent un trop long temps entre deux cutscenes significatives. J'en devenais bien plus exigeant sur la qualité de ces dernières. Le jeu est tellement rempli à ras-bord de contenu, de kilomètres de textes, de combats fréquents et longs, que j'ai décidé de "tracer" : j'ai mis le jeu en facile pour raccourcir les combats et j'ai zappé les cutscenes me semblant anecdotiques. Malgré ce souhait de "tracer", je me suis surpris à explorer en détails la plupart des environnements qui ont réussi à éveillé mon âme d'explorateur. Durant ces 90 heures de jeu, j'ai le sentiment d'avoir traversé ce monde à la sueur de mon front, avec cette impression tenace que jouer était un effort, récompensé par quelques panoramas et fulgurances d'écritures/mise en scène. Est-ce que le voyage en valait la peine ? Certainement. Xenoblade 3 pousse les potards à fond, quitte à se perde, et délivre des moments précieux. Pour les joueurs qui ont suivi la saga, il est un objet intéressant car il permet de voir les tentatives de rectifier certains aspects tout en étant rattrapé par ce vice qui le tient au corps : vouloir trop en faire.
Ca y est, je peux parler de ce qui m'a fait bobo en jouant à Xenoblade 3. Vouloir trop en faire.
- Tropenfaire Chapitre 1 : Avoir un système de combat qui veut tout nous permettre mais dans lequel on ne fait rien. Xenoblade 3 reprend le principe d'enchaînement, de combos et de placement propre aux épisodes précédents. Au fur et à mesure de l'aventure, pour ne pas nous lasser, il ajoute de nombreuses surcouches : un intéressant système de classes, un système de zones d'effet et j'en e. Sauf que le jeu s'y perd complètement et je vais tenter de vous l'expliquer. Pour pouvoir tirer parti au mieux du système de combat, il faut théoriquement personnaliser chaque personnage pour tirer profit de leur classe et créer une synergie entre eux. Malheureusement, cette personnalisation e par une dizaine de menus (classe, compétence, gemmes, accessoires, etc.) à multiplier nos 6 loustics. Comptez minimum une demi-heure pour personnaliser l'entièreté de votre équipe. Sauf que le jeu s'auto-sabote en nous encourageant à changer de classe tout le temps, ce qui pète les synergies de classes (idéalement 2 attaquants, 2 défenseurs, 2 tacticiens) car vous êtes invités à faire évoluer la dernière classe que vous avez débloquée. Et il s'auto-sabote une deuxième fois car, ayant conscience que personne ne veut er autant de temps dans les menus de customisation, il configure les choses à notre place et, la plupart du temps, cela suffit pour surmonter les boss et ennemis. Bref : le jeu s'équilibre pour que vous n'ayez pas à utiliser les systèmes qu'il met en place. Ajoutez à ça des combats qui se comptent par milliers et qui sont trop longs (les monstres sont des sacs à PV), dont la seule manière de venir "rapidement" à bout en mode normal ou difficile est d’activer un système d'enchaînement qui amène de très nombreuses animations qu'on ne peut absolument pas raccourcir et que vous verrez des MILLIERS DE FOIS. C'est étrange de voir que la saga Xenoblade s'est enfoncé dans des systèmes de combat toujours plus complexes sans y amener la "belle boucle de gameplay", ce reviens-y. La complexité ne fait pas la profondeur.
- Tropenfaire Chapitre 2 : Xenoblade 3 implémente des tas de choses qu'il n'utilise pas. C'est absolument terrifiant car on pense avec sidération au temps de développement gâché, aux efforts fournis pour rien. Je liste ici quelques exemples. Xenoblade 3 a un sociogramme (carte où nous voyons la relation entre tous les pnjs) qui ne vous servira à rien (je l'ai découvert à la fin du jeu). Autre chose : de très nombreux objets collectés sur la carte sont convertis automatiquement en or. Sauf que l'or ne sert à rien (je n'ai pas acheté un seul objet durant ma partie, et je pense parler pour 99% des joueurs). Le reste de l'entièreté de l'inventaire (hors équipement) est noyé de millier d'objets collectés que vous n'irez jamais consulter et qui servent à remplir des quêtes semi-automatisées. Derrière ces choix, on sent que l'équipe de développement a voulu faciliter la vie des joueurs afin de leur éviter les trop nombreuses quêtes fedex des précédents épisodes. Ce faisant, ils en retirent absolument tout intérêt ludique et narratif : pourquoi donc avoir persisté à implémenter ces éléments ? Ou alors, pourquoi ne pas avoir décidé de les implanter en leur donnant plus de corps et de sens au regard de l'aventure ?
- Tropenfaire Chapitre 3 : il empile des systèmes sans les faire cohabiter. Argent, doublons, gemmes, points d'ether, points d'entente, points de compétence, objets de collecte, etc. Si un néophyte débute avec Xenoblade 3, il a intérêt à s'armer de paracétamol. On ressent un vrai manque de polish sur la manière dont a été pensé l'implémentation des mécaniques. Conséquence de tout ce joyeux bazar : l'ergonomie des menus est l'une des plus abominables qu'il m'ait été donné de prendre en main. Par exemple, en ouvrant le menu carte vous pouvez naviguer entre les points de voyages rapides d'une même zone mais vous ne pouvez pas naviguer dans les différentes zones d'une même carte ou encore naviguer entre les cartes du monde. Pour cela, il vous faudra er par un autre menu : c'est à se tirer les cheveux. "Amusant" : les développeurs le savent et proposent de reconfigurer vous-même vos raccourcis manettes.
- Tropenfaire Chapitre 4 : trop de tout. Xenoblade 3 pourrait être un excellent jeu s'étalant sur maximum 50 heures, et ce en y gagnant en intensité scénaristique. Sur 14h de cut-scene, peut-être que la moitié est correctement écrite et significative. Outre les cutscene, le jeu est extrêmement bavard et les dialogues sont souvent insipides. Je suis chagrin car on sent qu'un effort a été fait par rapport aux épisodes précédents. Le problème est que la plupart de ces textes n'apportent rien à l'histoire ou à la compréhension du monde, ils étayent les état d'âmes et relations entre divers habitants.
Ces défauts font état d'une saga qui s'est figée dans certains principes, déjà désuets en 2011, et auxquels Monolith s'accroche. Et leur seule possibilité d'inventer e par le spin-off (Xenoblade Chronicles X) ou par l'ajout de surcouches. Monolith est allé au bout du chemin qu'ils ont choisi d'emprunter et je leur souhaite de er à autre chose. Ça tombe bien, c'est le message de leur jeu.