un plaisir de lecture en chute constante
J'ai commencé par beaucoup apprécier cette œuvre, puis, au fil de ma lecture, la déception, la lassitude voire l'agacement ont pris le dessus.
Elle se présente d'abord comme un roman d'apprentissage, ou Bildungsroman, spécialité germanique et notamment chez Hesse. On pense aussi au Grand Meaulnes, avec l'apparition d'un camarade d'école plus mûr, mystère et mentor. C'est bien écrit et le 'message' est pertinent: on doit savoir rompre avec les carcans que la famille ou la société nous imposent pour se trouver et vivre, ne pas se contenter d'être membre du troupeau, etc. On prend plaisir à se relire certains ages.
Mais assez rapidement, et de plus en plus, le roman arpente des terrains qui me parlent beaucoup moins – le mystique, l'ésotérique - , ou même me gênent: la notion d'êtres 'élus', une certaine misanthropie, une vision apocalyptique et une sublimation de la guerre... On sent l'influence de la psychanalyse naissante, et on peut, c'est forcément facile avec le recul actuel, trouver le trait un peu forcé. En prenant ces chemins-là, le roman s'éloigne, trop à mon goût, de la vie réelle de l'adolescent pour aller dans l'abstraction. L'approche de la sexualité, s'il est présente et parfois audacieuse, reste pour moi ambiguë: en n'adoptant ni les dogmes chrétiens ni la vie de débauche, il ne semble rester qu'une sacralisation surtout pas incarnée, pas vécue. Enfin, et c'est peut-être ce qui a suscité le terme d'agacement que j'ai employé, le message qui me plaisait au début verse vite dans la maxime, devenue un tel lieu commun de nos jours, et que je trouve souvent vide, voire détestable: 'il faut surtout être soi-même'. La qualité de l'écriture et l'ambition philosophique font qu'on est loin d'un livre de 'développement personnel' à deux sous, mais je n'ai pu m'empêcher d'y penser.