Parfois on tombe comme ça, au détour d’une conversation, d’un podcast ou d’une publication, sur un bouquin qui nous titille. C’est immédiat, on le sens : celui-là, on le lira. J’ai pas une thune et pourtant, quand je le vois au détour d’une librairie, le coup de foudre pressenti est immédiat. Ce bouquin a une aura, si tant est qu’on puisse dire ça d’un pavé de papiers ! Sa taille impressionne autant que le visage de madone en noir et blanc qu’arbore sa couverture. Je suis happée par ce portrait de l’autrice. Il y a quelque chose dans son regard, le tracé de ses sourcils bruns, ses cheveux relevés classiquement. Elle ne sourit pas et ça me plait. Je dépose entre ses mains, toute ma confiance de lectrice.
Quelques mois ont é depuis ma lecture de "L’art de la joie" (1994) mais définir ce qui me bouleverse dans cette oeuvre m’est toujours aussi difficile. C’est un tout, c’est un trop, c’est la douleur et la jouissance qui s’articulent, c’est la volonté naïve, la curiosité, l’analyse de l’expérience, un apprentissage constant, ce sont des actes sans scrupule, une honnêteté sans limite, un amour entier, la maternité détachée, la montée du fascisme, c’est une soif de voir la mer, de la voir tous les jours, cette envie de prendre le monde et d’y goûter sans cesse, de n’être jamais rassasiée face à ce qui nous est offert sans que cela ne nourrisse pour autant de la frustration. Parce que Modesta se satisfait de ce qu’elle a ; sa particularité étant qu’elle le fait sans compromis, cultivant ainsi son art de la joie comme une sagesse acquise à la sueur des années.
« Je ne me confronterais plus avec la mort, avec cette ligne d'arrivée qui, si on ne la redoute plus, rend éternelle chaque heure pleinement savourée. »