David Foenkinos nous raconte la vie amoureuse de Fritz, un salarié de Larousse rêvant d'une vie de vendeur de cravates, à travers ses différentes conquêtes et surtout sa plus enrichissante, celle d'Alice. Ecrit à la première personne, Nos séparations (titre fictif d'un des livres du livre, mise en abîme discrète) nous livre une partition doucereuse et guillerette de ce que peut être l'amour déchu après le temps des premières roucoulades, quand le feu sacré qui brûle nos cœurs ionnés se transforme lentement en braise sous la pluie. Le bonheur absolu fait place à la déception, la déception à l'ennui, l'ennui à la douleur et la douleur au renouveau de l'amour, comme une aventure cyclique où tous les coups du cœur sont permis. Nos séparations parle d'un faiseur de définitions incapable de définir l'amour. L'idée est superbe.
Le livre de chevet typique dont tout le monde tire des sensations différentes. Le personnage central, infidèle et incapable de se stabiliser, est attachant et ses contradictions permettent de se reconnaître en lui. David Foenkinos, grâce au point de vue de son personnage, adopte un regard omniscient et prévient parfois le lecteur par le biais du futur de la finalité de tel ou tel événement, ce qui amène une touche de suspense et de solennité à des ages clés, où l'on connait d'avance la teneur de la révélation. Nos séparations suit tout le processus d'un couple qui n'a jamais vraiment réussi à perdurer à travers Fritz et Alice en plusieurs dizaines d'années, une histoire bâclée par le temps et jonchée d'erreurs et de remises en cause. Dans un style accessible et limpide, David Foenkinos parle des turpitudes du cœur sans jamais être balourd, et glisse dans ses digressions un humour qui fonctionne à chaque fois. On apprend à connaître nos héros par leurs bourdes, leurs doutes. Ce que l'on retient surtout de ce livre, c'est que l'erreur est humaine et que les certitudes du présent ne sont pas celles du futur. La leçon est parfaitement délivrée de la théorie à la pratique.
Dans ce récit parsemé de mélancolie, tout est fait pour que le lecteur se sente à son aise et comprenne qu'il ne faut parfois simplement pas lutter contre ses envies premières, et à quel point il est de toute manière difficile de se détacher d'un sentiment quasi primitif. Malgré une vision très imagée, romanesque voire exagérée de la naissance des relations et des charmes du personnage principal, qui semble toutes les faire tomber sans être un Dom Juan, Nos séparations est un joli roman, sans faire de vagues, sur les aléas du couple et sa vision fataliste de notre époque, où nos désirs créent le besoin, et le besoin assouvi la lassitude. Un livre très agréable, où les exercices de style (sentences interminables, définitions des noms propres) viennent relever une redondance originale - tu le sens l'oxymore.