Qu'avons-nous fait de nos rêves ? est une gigantesque fresque intime en forme de puzzle à reconstruire sur fond d'histoire américaine, du San Francisco punk des années fin 70 début 80 au New York des années 2020 où tout le monde, même les plus petits, vit plus que jamais connecté à son smartphone.
Pour raconter la vie de ses personnages, touchants paumés revenus de leur jeunesse rock n' roll et devenus pour l'un producteur musical impuissant en perte de succès, cleptomane bientôt maman pour son ancienne assistante qui a connu la fugue et la prostitution dans son adolescence, vieillard agonisant pour cet ancien playboy qui collectionnait les conquêtes ou encore femme de criminel de guerre pour cette starlette de cinéma agressée par un journaliste alors qu'elle était au sommet de sa gloire (il y aurait bien d'autres parcours tout aussi singuliers à évoquer), Jennifer Egan ose une construction d'une rare audace qui rend son roman ionnant.
Non contente de ne respecter aucune continuité chronologique (on e ainsi d'un chapitre à l'autre du punk des années 70-80 à l'Amérique sous Bill Clinton, du New-York post 11 septembre à sa représentation à peine anticipée quelques vingt ans plus tard), elle multiplie encore les points de vue (ant d'une description de l'action toute omnisciente à la retranscription subjective de la pensée de tel ou tel personnage) ainsi que les formes (la prose classique, l'article journalistique, les slides powerpoint - il faut alors tourner le livre pour lire les diapos -, l'écriture SMS...).
Pour ce roman mélancolique irablement construit qui oppose les folles années rock de la jeunesse au constat désabusé d'une vie d'adulte rarement satisfaisante, ou en tout cas très éloignée des rêves d'antan, Jennifer Egan a reçu le Prix Pullitzer 2011 ainsi que le National Book Critics Circle Award ; elle a également été finaliste du Pen/Faulkner Award la même année.
Brillant !