Avec délicatesse, Lola Lafon décortique l'image bien trop polie d'Anne Frank pour extraire d'elle ce que l'histoire tend à oublier. Elle pose la question de l'icône que l'on fige, en adoration, et ainsi d'une voix qui s'éteint. Car Anne Frank écrivait pour être lue, elle était autrice. Il s'agit ici d'une contextualisation engagée et lyrique du journal intime le plus connu du monde. Plus question de romancer une histoire jugée par le é "trop triste et trop juive", Lola Lafon redonne un plein espace à la voix d'Anne Frank et à tout ce qu'elle a défendu dans son œuvre trop courte.
L'écriture est fragmentée, comme dans un rêve, mais toujours fluide et d'une précision sans fards sur son sujet. Lola Lafon prend à bras le corps la question de la mémoire, des traces que laissent les génocides sur ceux qui survivent, sur ceux qui surviennent ensuite. Posant avant tout de nombreuses questions, le roman pourrait s'apparenter à une autobiographie tant l'autrice apparaît en creux de chacune des lignes écrites. L'autoportrait le plus humble et le plus fort que je n'ai jamais lu, qui remet tout en place et appelle au souvenir pour ne pas reproduire. Ensuite, il ne reste plus qu'à se replonger dans le Journal, "continuer à croire en la bonté des hommes", malgré leur violence, malgré leurs envies de batailles.