Le chemin du large

"Nous avancions légers sans nous préoccuper de rien que de trouver le chemin [...] Nous nous extirpions du dispositif.

Le dispositif était la somme des héritages comportementaux, des sollicitations sociales, des influences économiques qui déterminaient nos destins, sans se faire remarquer. Le dispositif disposait de nous. Il nous imposait une conduite à tenir insidieusement, sournoisement, sans même que l'on s'aperçût de l'augmentation de son pouvoir. [...] [Notre dispositif] pourvoyait à notre confort, notre santé et notre opulence alimentaire, mais nous inoculait son discours et nous tenait à l'œil. Nous recevions ses informations, sa publicité, nous répondions à ses injonctions, il nous accablait de ses sommations, diluées dans le brouhaha. Le discours du dispositif était un dispositif. Sur les chemins noirs, nous nous enfoncions dans le silence, nous quittions le dispositif."

À cette époque, déjà marcheur hors pistes et dormeur de la belle étoile, j'avais refusé de lire Tesson. Il ne serait pour moi, c'était à craindre, qu'une voix de plus du "dispositif".

Tombé d'aucune gouttière, mais plombé par l'âge, j'ai plaisir aujourd'hui à l'écouter écrire comme un frère de grand chemin.

Je vous en souhaite autant, s'il en est temps.