The White Lotus
7.3
The White Lotus

Série HBO (2021)

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Les étés meurtriers

Saison 1 : The Tanned


Voilà une série qui n'a pas fait grand bruit à sa sortie et qui est pourtant riche d'une écriture assez unique. En cette période de disette, où toutes les séries sont standardisées, The White lotus constitue une bouffée d'oxygène inespérée presque trop courte (6 épisodes qui rachètent les saisons qui font le double d'épisodes), que l'on doit à HBO qui reprend enfin des couleurs, et surtout à Mike White, le showrunner derrière Enlightened avec Laura Dern. 

Sur le papier ça semblait pas folichon : une station balnéaire de luxe à Hawaï, des clients qui séjournent une semaine pour er du bon temps au bord de mer et surtout régler leurs problèmes. On se dit qu'on va naviguer quelque part entre les Bronzés et la croisière s'amuse. On y retrouve l'ironie et la petitesse des personnages du premier film du Splendid : La famille désunie qui séjourne avec l'amie de la fille, le jeune couple qui va vivre une lune de miel cauchemardesque (belle figure de con au age), Tanya l'alcoolique névrosée qui vient disperser les cendres de sa mère, tous sont accueillis par le fantastique maître d'hôtel Armond et Belinda, la directrice du SPA. Le gros point fort de la série est son casting impeccable. Chaque acteur rayonne dans sa partition. Mention à Jennifer Coolidge, vague sosie de Daryl Hannah sous cortisone, prodigieuse en vampire émotionnelle.

Sans dévoiler trop l'intrigue qui ne repose absolument pas sur la mort mystérieuse énoncée au premier épisode et dont le non traitement durant la série n'aura frustré que les accros à NCIS, on peut classer White Lotus comme une série d'ambiance. Ce n'est pas un polar mais une étude sociologique de l'Amérique blanche et aisée, confrontée à un monde qui change. Les rapports hommes / femmes, la colonisation, la sexualité, l'addiction...

Des portraits satiriques, plaisants si on a un certain type d'humour. Les personnages complètement vivants et contrastés, jamais figés dans des postures, animés par des traits de caractères qui tranchent. 

Ici, contrairement aux séries Netflix Les adolescentes ne sont pas des figures héroïques qui apportent le progrès comme un cadeau à l'humanité, mais sont promptes au jugement et insensibles envers leur proches, le maître d'hôtel est alcoolique repenti dont la droiture va être mise à rude épreuve par un client retors, l'apprentie journaliste en lune de miel ne veut pas être une femme trophée mais s'est mariée à un con de fils à maman de la pire engeance (encore un super comédien), le père de famille qui a souffert de la mort prématurée de son père et qui découvre une particularité de ce dernier qu'il aurait préféré ignorer...

 
On va les détester et les prendre en comion d'une scène à l'autre. Des portraits souvent fins qui placent le travail de Mike White bien plus du côté des écrivains caustiques à la BEE ou Wolfe ou des réalisateurs ambitieux comme Robert Altman que des showrunners guindés actuels. A découvrir absolument. En espérant que la saison 2 à Taormine sera aussi réussie.


Saison 2 : A Taormina, je mesure ma peine


"The White Lotus est divertissant et existentiel". C'est le créateur Mike White qui le dit. Et il est difficile d'aller contre cet avis à l'issue des deux saisons. Le risque de provoquer un sentiment de redite était difficile à éradiquer complètement, alors plutôt que de faire semblant, White Lotus enfonce le clou.

Une mort étrange constituait le vague fil rouge de la saison 1 ? qu'à cela ne tienne, l'entame de la saison 2 annonce une hécatombe sur la plage sicilienne de Taormina. La saison 1 a été critiquée assez stupidement comme "une série pour blancs" qui traite des anecdotiques malheurs de fortunés privilégiés ? le standing de l'hôtel monte encore en gamme. La saison 1 glamourise essentiellement le casting féminin ? en saison 2 on en donne pour son argent aux spectatrices (les bodybuildés Cameron et Ethan qui se désapent tout le temps).

White Lotus assume son petit côté racoleur, ça fait partie du charme, et ça serait un cruel problème si la série se contentait de filmer des paires de fesses en maillots. Mais derrière ce bling-bling, Mike White creuse un sillon, celui de l'exposition des problèmes familiaux et de couple. Il se questionne beaucoup sur l'argent qui altère les relations des gens névrosés ou insatisfaits, et de l'importance du sexe dans la vie des couples (en crises). L'été étant une période idéale pour se focaliser sur le corps et ses désirs en sommeil une partie de l'année, anesthésiée par le travail et la routine quotidienne. Et dans cette saison, c'est le culte de l'apparence qui est ciblé.

Tanya (Jennifer Coolidge) est toujours aussi fantastique, elle use les nerfs de sa petite assistante aux faux airs de Florence Pugh. Elle rêve de ressembler à Monica Vitti mais elle évoque irrésistiblement Peppa Pig. Et on ne peut que regretter son sous-emploi durant cette saison. C'est l'un des points faibles, et ce n'est malheureusement pas le seul.

En dépit de sa réalisation, de son interprétation et de son esthétique soigné, je ne peux pas m'empêcher de préférer la saison 1 en raison de son équilibre parfait dans la narration. Le cadre hawaïen était moins spectaculaire que la côte sicilienne, mais les personnages étaient plus originaux et surtout la place accordée aux effets comiques était bien plus grande.

Le dosage, c'est ce qui fait défaut à la saison 2. On s'attendait à voir beaucoup plus Michael Imperioli et Murray Abraham, tout comme Jennifer Coolidge ou Tom Hollander et son gang (avec notamment l'excellent acteur français Bruno Gouery vu notamment dans Emily in Paris). Au final, le personnage principal de la saison est Lucia Greco (Simona Tabasco). Il faut dire qu'elle est le lien entre beaucoup de protagonistes (une famille entière même). Et en bon connaisseur du cinéma italien (le plan d'Aubrey Plaza clin d'œil à Monica Vitti dans l'Avventura), White s'est amusé à écrire un personnage inspiré par de grands actrices. Lucia Greco, en pute charismatique qui mène les hommes à la baguette grâce à ses charmes, rappelle évidemment Sophia Loren, ou une Claudia Cardinale.


L'intrigue de Tanya n'aurait pas été reniée par Pietro Germi (divorce à l'italienne).


Mais aussi talentueux soit-il pour dépeindre magnifiquement une certaine bourgeoisie américaine, le portrait de cette escort de luxe sicilienne est assez limité et manque d'authenticité. Dommage que le personnage le plus présent à l'écran soit celui le moins consistant ou surprenant.

Si l'on a pas trop vu Tanya, on a beaucoup trop assisté aux atermoiements de la concierge Valentina, vague de sosie de la Callas qui n'a pas fait pas oublier l'extraordinaire prestation de Murray Bartlett, le manager de la saison 1.

Une saison très esthétique donc, trop peut-être. White semble avoir été plus influencé par la beauté du cadre qu'autre chose. Mais pour la première fois dans la série on a le sentiment de traverser certains épisodes sans rien trouver de consistant. Disons le, il y a de sérieux creux dans tous les épisodes saisons, et cela aurait pu être empêché avec ce fameux recentrage de l'intrigue.

La série reste de qualité, mais ce qui faisait la force de la saison 1 (les personnages), e au second plan derrière un gentil ronron dans une ambiance cynique. Ce n'est pas un hasard si la série fait plus parler d'elle sur les réseaux sociaux pour du gossip (la garde robe d'Aubrey Plaza, ou la bite de tel acteur) que pour ce qu'elle dit de l'upper class.

Pas trop tard pour retrouver le lustre de la saison 1, car la série est renouvelée.


Saison 3 : Massage Thaï et "unhappy ending"


Le coup de mou de la saison 2 a bien été identifié par Mike White, et la série repart sur des bases saines. Moins de personnages, une meilleure exploitation des acteurs présents, et enfin un comique plus efficace. Si la saison 1 était globalement centrée autour de l’argent, la 2 franchement axée sur le sexe, la 3 semble porter sur la mort... Ou la spiritualité (ou l’inceste ?). La scène d’ouverture fait une nouvelle fois craindre le pire pour les très riches touristes de la chaîne White Lotus avec une fusillade dans l’enceinte de l’hôtel.

Le spectateur impartial aura donc un regain d’intérêt pour les personnages qui restent des archétypes invariables d’une saison sur l’autre : couples en crise, familles dysfonctionnelles, managers à côtés de leurs pompes et petits personnels satellitaires (pour ne pas dire parasitaires) mais sympathiques.

Rick (Walton Goggins, mix incroyable de Jack Nicholson et de Jim Morrison) et sa formidable partenaire, Aimee Lou Wood (une Shelley Duval avec le sourire de Goofy) forment un couple mémorable. Lui névrosé, revêche et qui cache les raisons de sa venue, à sa très jeune copine complètement écervelée, positive et dotée d’un énorme pouvoir comique (rien que ses yeux ronds devant ses pics dépressifs me plient en deux).

Le destin tragique de ce couple contribue à rendre le dénouement particulièrement poignant et réussi.

Timothy Ratliff (Jason Isaac), un père de famille dont le monde s’écroule au début des vacances alors qu’il apprend que ses magouilles financières vont le ruiner et lui prendre sa liberté. Sa femme sous tranquillisants, et ses enfants, animés d’envies diverses, ne se doutent de rien. Et la prestation d’Isaac est énorme, comme sa queue qu’il dévoile accidentellement après un énième coup de bambou sur la tête. Le "padre" part en vrille totalement et fauche les anxiolytiques de sa compagne non moins névrosée (Parker Posey plus maniérée que jamais dont la prestation se rapproche un peu de celle de Jennifer Coolidge). Le jeu d’Isaac est vraiment remarquable, très peu de dialogues un regard hagard permanent, réussir à faire rire en jouant la détresse absolue est un petit tour de force.

Les “3 amies”, schéma assez original dans la série, sont toujours un plaisir à suivre : Laurry (Cary Coon), new-yorkaise mère célibataire moins séduisante que ses amies et qui en a conscience, Jaclyn (Michelle Monaghan) la star du groupe du haut de sa petite célébrité télévisuelle, et Kate (la géniale Leslie Bibb), femme de trumpiste avec son sourire poli crispée... 3 niveaux d’amitié, 3 inégalités. Les “bonnes” copines snobs qui refusent leur âge et se montrent hypocrites au dernier degré. Tout le talent de Mike white à l’œuvre, nous présenter des caractères qui semblent tranchés, agaçants, mais qu’on aime bien dans le fond. Une vision de l’amitié féminine bien plus fine que l’ensemble de l’œuvre de Kirsten Wiig et Tina Fey. Une belle conclusion également pour elle.

Le petit couple local formé par la magnifique Lalisa Manobal et Gaytok est également surprenant. Comme souvent, dans White Lotus, le petit personnel doit hériter des problèmes de la “caste supérieure”. Et le malheureux Gaitok (Tayme Thapthimthong) se demande s’il est bien à sa place à ce poste de garde, lui si réticent à la violence et aux armes. Avec son sourire angélique, “Mook” sa belle collègue thaïe n’a pas de répulsion pour la violence, bien au contraire puisque cela représente un obstacle vers une vie meilleure, que son homme doit pouvoir surmonter pour elle : “La violence est naturelle”. Elle conclue toutes les saisons en tous cas.

L’arc narratif autour de Belinda (Nathasha Rothwell) seul personnage familier avec Gary (John Gries) semble un peu faiblard durant les 6 premiers épisodes, et prend enfin se marque dans l'ultime épisode.

L’autre point négatif, en dépit de la qualité des acteurs est cette histoire de frère incestueux, fantasme assez sale de Mike White, on se croirait devant du Ryan Murphy pour ainsi dire. Il aurait pu animer le personnage de Saxon (Patrick "Swarzy") d’une pulsion homo inconsciente envers un pote, mais le truc à son petit frère est bien trop dérangeant. Il faut saluer l’ensemble du casting, qui comme d’habitude donne son max, très conscient d’apparaître dans une œuvre spéciale.

A part ces quelques réserves, il faudra réfléchir aux raisons des critiques exagérément négatives dont souffre régulièrement cette série, notamment sur le rythme. Personnellement j'étais captivé. Je ne m’explique pas le rejet parfois violent que provoque White Lotus. Qualifié de creux, de vain, ennuyeux, on voit difficilement comment White aurait pu faire les choses autrement. Quand on veut représenter la bêtise et les problèmes émotionnels propres aux ultra riches, il faut er par des illustrations de leur vanité, et de leur insensibilité. La série en regorge évidemment. On peut détester, le sujet, mais qu’on vienne me présenter une meilleure étude télévisuelle sur le sujet, je suis preneur.

Quand tant d’autres séries écrites de manière automatique, sont insincères, et pourraient sortir d’une appli d’I.A ne récoltent pas le millième de salissures. Est-ce le succès ? une forme de jalousie, ou une vision du monde trop réelle quand on a l’habitude de consommer en masse des séries à cliffhangers au rythme effrénés, où les personnages ne semblent pas réalistes pour un sou, ou pire, en mission pour des scénaristes pétris de bonnes intentions qui sont toujours plus ou moins les mêmes. Devant le succès de cette série singulière, Netflix a même essayé de surfer sur la vague en copiant le style de Mike white avec des merdes comme “un couple parfait”.

White Lotus a peut-être perdu une partie de son public de la saison 2, plus obnubilé par les abdos de Theo James que par la qualité de personnages, mais la saison 3 vient de renouer avec l’esprit originel de la série. Depuis l’arrêt de Better call saul, et de Succession, White Lotus est la dernière valeur sûre de la télé US.

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Créée

le 14 déc. 2022

Modifiée

le 9 avr. 2025

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Negreanu

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