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Une lampe à huile. Un froissement de robe pourpre. Une voix qui hésite entre prière et aveu. Le cardinal Lawrence (Ralph Fiennes, aussi raide qu’une stèle funéraire) entre dans la chapelle Sixtine comme on entre dans un tombeau qu’on a soi-même creusé. Le pape est mort, vive le silence. Dans Conclave, Edward Berger ne filme pas la religion, il filme la politique en soutane – un genre mutant, une créature vaticane nourrie au secret et au non-dit. Le film est comme un encensoir qui aurait perdu la foi : ça tourne, ça fume, mais le feu est ailleurs.
Rien ne semble bouger, et pourtant tout menace de s’effondrer. On s’attendait à un drame lent et cérémonieux, on reçoit un thriller à combustion interne. Un huis clos à 118 voix. Berger ne filme pas le dogme, il filme les regards. Des centaines. Tous posés sur Ralph Fiennes, dont le visage est un vitrail fissuré : ça capte la lumière, mais ça ne la laisse pas sortir. J’ai vu ce film à moitié endormi dans un cinéma vide, un jeudi pluvieux ; je crois que c’était parfait.
C’est d’une beauté presque perverse : cadrages millimétrés, pierre nue, orphelinat de sons. La bande originale (signée Volker Bertelmann) se glisse sous la peau comme un murmure de latin oublié. Même les silences ont l’air enregistrés en 5.1. À un moment, un rayon de soleil perce le vitrail et tombe sur le crâne d’un cardinal comme un jugement divin ou une erreur de spot. Je crois que j’ai pleuré. Ou alors c’était l’odeur d’humidité.
Le scénario tire plus vers la machination que vers la révélation. Une bombe de papier posée au cœur d’un rituel séculaire. Il y a des secrets, oui, mais aussi des absences. Des trous dans les dialogues, comme des balafres dans un manuscrit. Le suspense est étrange : à la fois lent, et urgent, comme une crise cardinale à retardement.
Certains diront que ça manque de rythme. Peut-être. Comme une procession. Mais qui s’attend à une course poursuite dans un film où les héros portent des sandales ? La mise en scène, elle, ne trébuche jamais. Chaque plan est un vitrail qui attend la lumière.
Ce film m’a rappelé un rêve bizarre dans lequel j’étais enfermé dans une cathédrale avec des poissons rouges qui parlaient latin. C’est dire si c’est marquant. Les dialogues parfois glissent, les symboles sont un peu trop appuyés, mais l’ensemble tient debout, comme un confessionnal malmené mais solide.
C’est un film de tension feutrée, de doutes impies, de foi fissurée. Une parabole qui hésite entre cynisme et espérance. Une liturgie d’ombres. Note : 16/20. S’adresse à celles et ceux qui aiment quand le silence fait du bruit.