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Pour le lecteur pressé, en moins de 3 minutes: https://youtu.be/EN8RljojZCE
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Si non:
The Insider… Un film d’espionnage signé Soderbergh. Une promesse d’intelligence, d’élégance, et – disons-le – d’un certain académisme. Michael Fassbender en agent secret ? Mais bien sûr. Il a ce regard perçant, cette mâchoire taillée au couteau et ce talent pour incarner l’homme dont on se méfie autant qu’on l’ire. Cate Blanchett, quant à elle, traverse l’écran avec cette grâce impériale qui ferait er une reine d’Angleterre pour une roturière. Tout est en place pour un thriller racé. Mais est-ce suffisant ?
La mise en scène est impeccable. Trop impeccable. Soderbergh orchestre tout avec la précision d’un maître horloger suisse : cadrages léchés, lumières tamisées, tension distillée avec une retenue quasi scientifique. On ire. On savoure. Mais… où est la fièvre ? Où est ce moment où la belle machine déraille, où l’émotion jaillit sans crier gare ?
L’action est là, feutrée, contenue, élégante. Un peu comme si James Bond avait troqué son vodka-martini pour un verre de vin nature et une discussion sur la crise existentielle du renseignement. Le film avance avec la précision d’un espion trop bien préparé : il n’oublie rien, ne fait aucun faux pas… et c’est peut-être là son problème.
Fassbender. L’homme qui pourrait vendre un parapluie à un bédouin du Sahara tant son charisme est implacable. Il incarne ici un agent méticuleux, méthodique, et – osons-le dire – un brin froid. On aurait aimé qu’il se lâche, qu’il vacille, qu’il nous donne quelque chose de moins parfait. Mais non. Il est taillé dans le marbre.
Blanchett, elle, ne joue pas. Elle règne. Un regard suffit à renverser une scène. Une intonation fait frémir l’écran. Pourtant, son duo avec Fassbender manque de cette étincelle imprévisible, ce moment où les masques tombent et où la chimie explose. Leur relation est fascinante, maîtrisée… mais jamais dangereuse. Comme une danse où personne ne prend l’initiative du premier faux pas.
Certains crient au chef-d’œuvre. Une lettre d’amour à l’espionnage cérébral, aux intrigues feutrées, aux dialogues qui respirent le luxe et la précision. D’autres, plus sceptiques, y voient un exercice de style trop poli, une œuvre qui s’ire elle-même sans jamais se décoiffer. Un bel objet. Une belle mécanique. Mais une mécanique reste une mécanique, non ?
Et puis, il y a le sempiternel débat du budget. Si Hollywood avait aligné quelques millions de plus, aurions-nous eu droit à un peu plus de démesure ? Des courses-poursuites en Aston Martin, des explosions en arrière-plan ? Peut-être. Mais Soderbergh n’est pas de cette école. Lui préfère suggérer, effleurer, sous-entendre. Acceptez ce parti pris et The Insider devient une œuvre raffinée, une méditation sur l’espionnage plus qu’un spectacle de grand standing.
Alors, chef-d’œuvre ou film trop lisse ? Difficile à dire. The Insider est une pièce de haute couture. Élégant, maîtrisé, savamment construit. Mais une veste sur mesure reste une veste sur mesure : impeccable, sans accroc… et sans cette petite imperfection qui la rendrait inoubliable.
Cela dit, un film où Cate Blanchett hypnotise en un regard et où Fassbender fronce les sourcils avec l’autorité d’un empereur romain ne peut être qu’un plaisir coupable. L’ivresse n’est pas totale, mais le vin est bon.