Citation - extrait

[in "Les libertés au temps du coronavirus" par Nicolas Baverez, pp. 266-267]

La se distingue des autres démocraties par la création d’un régime d’exception qui étend démesurément les compétences du pouvoir exécutif en même temps que par le refus des dirigeants d’assumer seuls leur responsabilité en se réfugiant derrière un conseil scientifique créé pour la circonstance. La loi du 23 mars 2020 a créé un régime d’urgence sanitaire, qui s’ajoute à l’article 16 de la Constitution, à l’état de siège et à l’état d’urgence, et qui a été immédiatement mis en œuvre pour une durée de deux mois. Il permet au Premier ministre, par décret simple, de restreindre ou supprimer les libertés de circulation, de réunion, d’entreprendre, de décider la quarantaine et des mesures d’isolement individuel, de réquisitionner tous biens et services ou encore de contrôler les prix. Et ce sans véritable contrôle du Parlement ou de la justice.

Dans le même temps, hantés par la multiplication des procédures judiciaires, le chef de l’État comme le Premier ministre ne cessent de placer leurs décisions sous l’autorité d’un conseil scientifique Covid-19 créé de toutes pièces, dont la composition et les prises de position sont aussi discutables que fluctuantes. Ce fut le cas notamment pour le maintien du premier tour des élections municipales le 15 mars, qui se révéla un puissant vecteur d’accélération des contaminations, ou pour la poursuite du confinement. Le professeur Jean-François Delfraissy, outreant les limites de sa fonction de président du conseil scientifique, a de son propre chef annoncé devant le Sénat la poursuite de l’obligation de confinement après le 11 mai pour 18 millions de Français – des plus de 65 ans aux jeunes obèses en ant par les malades atteints d’affection de longue durée –, avant d’être finalement démenti par le président de la République. Ainsi, en , les médecins font de la politique tandis que les hommes politiques font de la médecine. Tout à la tyrannie du principe de précaution qui n’a nullement aidé notre pays à se protéger contre l’épidémie, mais qui l’enferme dans un interminable confinement, nul ne prend la mesure de l’effondrement de l’appareil de production qui va amputer durablement la croissance, l’emploi et les recettes fiscales, tout en reléguant la en deuxième division de la zone euro.


Le Parlement, de son côté, a abdiqué ses trois missions fondamentales de vote de la loi, de contrôle du gouvernement et d’animation du débat public. L’Assemblée nationale a décidé de siéger en « comité restreint ». Ce régime, qui n’a aucune base juridique, la transforme en chambre d’enregistrement, réduisant drastiquement les questions au gouvernement, interdisant toute délibération et remettant en cause de facto le vote personnel des parlementaires. Ainsi, le projet de loi d’urgence sanitaire a-t-il été examiné et voté en cinq jours seulement par l’Assemblée et le Sénat, sans discussion ni examen sérieux. Il ne prévoit l’intervention du Parlement qu’un mois après l’entrée en vigueur de l’urgence sanitaire contre douze jours pour l’état de siège et l’état d’urgence et limite le contrôle parlementaire aux mesures sanitaires. Ainsi, le plan de soutien à l’économie qui ouvre 100 milliards d’euros de crédits budgétaires supplémentaires et met en place des garanties publiques à hauteur de 12 % du PIB n’a, pour l’essentiel, pas été discuté par le Parlement. Et ce à l’inverse de toutes les autres démocraties – y compris les États-Unis où Donald Trump a négocié et obtenu l’approbation du Congrès sur les 2 200 milliards de dollars de mesures du CARES Act. La a ainsi décidé le confinement général de sa population et engagé des dépenses et garanties à hauteur de 20 % de son PIB qui porteront la dette publique à 120 % du PIB en l’absence de toute discussion parlementaire et de tout réel débat public.

9
Écrit par

Créée

il y a 3 jours

Critique lue 8 fois

1 j'aime

Sycorax

Écrit par

Critique lue 8 fois

1

Du même critique

s

L'erreur de Farmer

A moins d'être un cinéphile stakhanoviste, tout a été oublié de ce film : son existence, celle de la starlette éponyme et aussi l'actrice qui l'interprète avec une puissance rare.La réédition en...

Par

le 20 mars 2025

4 j'aime

4

Deux hommes, dont un aigrefin

Subtile allégorie de la lutte des classes à travers un récit à huis-clos où les protagonistes s'adonnent à des jeux de pouvoir et de domination morbides et destructeurs.Tous les artefacts de la mise...

Par

le 6 mai 2025

3 j'aime

L'amie (la mie) mortelle... la croûte empoisonnée

L'Art permet de tout exprimer via le prisme d'une forme qui possède des codes is par celles et ceux qui les maîtrisent ou du moins, savent en apprécier les manifestations.Ce roman qui se présente...

Par

le 3 mars 2025

3 j'aime