Grandir
7.3
Grandir

livre de Susan Neiman (2016)

S'émanciper par la pensée critique

Livre de réflexions sur plusieurs thèses : le capitalisme infantilise les gens pour pouvoir mieux les manipuler, si bien que l’idéologie dominante privilégie une « éternelle jeunesse » (qui favorise aussi une consommation spécifique), devenir adulte n’est pas bien vu, associé aux idées de : banal, ennuyeux, travail répétitif, aucune créativité, genre inspecteur des impôts, assurances, etc. Paradoxalement, les gens qui réclament une politique alternative sont taxés de « doux rêveurs » donc de gens n’ayant pas muri. Susan Neiman est partiale, et je partage ses vues, elle retourne complètement ce paradoxe. Il y a plein de manière de devenir adulte. Mais ce qui compte, c’est l’aspect émancipatoire. Devenir adulte c’est toujours s’émanciper de la génération précédente, mais ce devrait être aussi s’émanciper de l’idéologie dominante, arriver à construire une réflexion critique. Pour cela, il faut des points de confrontation/ comparaison, (voyager véritablement en se penchant sur d’autres cultures par ex, ou s’efforcer de comprendre des gens différents de nous, lire ou écouter de la philosophie). Il est beaucoup question de Kant et Rousseau dont l’auteure nous déplie des ages. Conserver ses idéaux au lieu d’y renoncer, et continuer à vouloir un monde meilleur (et vouloir aussi s’améliorer soi-même), c’est ça l’émancipation, et non devenir un mouton du capitalisme (claironnant : « à 20 ans c’est intelligent de se révolter, à 40 ans c ridicule ! »), une personne qui croit avoir toujours raison. Le bouquin analyse les différentes périodes de la vie : enfance, adolescence, age à l’âge adulte, les tâtonnements pour chercher une meilleure éducation (qui n’est nulle part parfaite, mais un work in process), elle évoque longuement celle de Rousseau dans l’Emile. Parle aussi de la capacité du capitalisme à absorber les idées de révolte pour les désarmer tout en ouvrant de nouveaux marchés (comme l’absorption des idées de ’68, le détournement de chaque contre-culture). Elle nous apprend que l’obsolescence programmée a été sciemment inventée par 3 entreprises (General Electric, Philips et Osram) réunies en 1924 en Suisse, décidant de réduire la durée de vie des ampoules, les ant de 2500 heures à 1000 heures, multipliant ainsi par 2 les ventes et profits. Elle évoque aussi les sommes énormes dévolues à la publicité (quand est-ce qu’on voit une commune adfree ?), qui joue un rôle décisif dans cette campagne d’infantilisation pour mieux manipuler les gens. L’auteure aborde aussi l’aliénation, en particulier le sentiment d’un travail inutile, voire nuisible ; il y est question d’artisanat, de création d’un objet (table, chaise). Bref, je n’ai ici que survolé quelques points, ce livre est ionnant pour toute personne avide de construire une pensée critique et de s’émanciper. Y apprendre que vieillir (et on ne fait que ça tout au long de notre vie) n’est pas un enterrement mais que c subversif, c trop cool, non ?

9
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le 11 mai 2025

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Nounours30

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